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Depuis longtemps, les forêts sont perçues comme les «poumons verts» de la planète. Mais, dans un contexte de bouleversements climatiques, une question émerge avec insistance: nos forêts jouent-elles toujours leur rôle de puits de carbone? Au Québec comme dans le reste du Canada, le bilan carbone forestier offre une lecture plus complexe — et plus préoccupante — qu’on ne le pense souvent, et représente un enjeu majeur de la transition climatique. 

Puits ou sources de carbone ? 

Le Canada abrite près de 9% des forêts mondiales. Ces vastes écosystèmes ont historiquement stocké plus de carbone qu’ils n’en relâchaient. Mais ce rôle s’est fragilisé. Selon des données publiques, les forêts canadiennes émettent aujourd’hui davantage de gaz à effet de serre qu’elles n’en captent, en raison notamment : 

  • des feux de forêt de plus en plus fréquents et intenses ; 
  • de l’exploitation industrielle étendue ; 
  • de la dégradation progressive des sols et des écosystèmes forestiers. 

Au Québec, cette tendance est similaire. Les coupes rases, fréquentes dans la forêt boréale, entraînent une perte importante de carbone emmagasiné dans les sols et la végétation. Ces perturbations peuvent transformer temporairement certaines zones en sources nettes d’émissions, remettant en question leur rôle dans les stratégies climatiques provinciales. 

 Penser en cycle de vie 

Un des enjeux majeurs réside dans la façon de comptabiliser le carbone forestier. Le simple fait qu’une forêt repousse après la coupe ne garantit pas une neutralité climatique. La réalité du cycle de vie est plus nuancée : 

  • une partie importante du carbone est relâchée rapidement après l’abattage (transport, transformation, combustion), 
  • une faible proportion reste stockée à long terme dans des produits durables, 
  • et certains déchets forestiers, enfouis en décharge, peuvent produire du méthane, un gaz à effet de serre particulièrement puissant. 

Ces éléments soulignent l’importance d’une approche globale, intégrant l’ensemble du cycle de vie forestier pour évaluer le véritable impact climatique de la gestion forestière. 

Les feux de forêt : un facteur bouleversant 

L’année 2023 a marqué un tournant. Les incendies ont émis plus de 600 millions de tonnes de CO₂ à l’échelle canadienne — un record historique. Ces feux, bien que classés comme perturbations naturelles, modifient profondément le bilan carbone des forêts. Ils traduisent aussi une vulnérabilité accrue des milieux forestiers face aux sécheresses, aux maladies et aux parasites, eux-mêmes exacerbés par le réchauffement climatique. 

La gestion forestière doit donc évoluer : moins axée sur la production à court terme, et davantage orientée vers la résilience écologique. 

Vers une amélioration carbone continue du secteur forestier 

Il ne s’agit pas d’opposer conservation et développement, mais de réconcilier économie et climat. Voici quelques pistes d’action reconnues : 

  • Réduction des coupes à blanc au profit de méthodes sélectives plus respectueuses des sols et de la biodiversité ; 
  • Prolongation de la durée de vie des produits du bois, via la rénovation, la construction durable ou le réemploi ; 
  • Reboisement avec des essences adaptées, diversifiées, plus résistantes aux aléas climatiques ; 
  • Suivi rigoureux des flux de carbone, à l’aide de modèles reconnus par les autorités publiques pour évaluer différents scénarios d’aménagement. 

Ces approches s’inscrivent dans une logique d’amélioration carbone continue, essentielle à la fois pour respecter les engagements climatiques du Canada et pour assurer la vitalité à long terme de nos forêts. 

Un levier stratégique pour le Québec 

Avec plus de 750000km² de forêts, le Québec détient un patrimoine naturel unique. Bien géré, ce territoire peut devenir un vecteur de décarbonation et de retombées positives pour les communautés locales. 

Mais, cela suppose : 

  • des choix politiques éclairés, 
  • une transparence accrue sur les données de carbone forestier, 
  • une reconnaissance du rôle que peuvent jouer les entreprises, municipalités et institutions en matière de compensation carbone et de restauration écosystémique. 

Conclusion : le bilan carbone forestier un enjeu majeur de la transition climatique 

Les forêts québécoises sont des systèmes vivants, puissants mais sensibles, dont le rôle climatique dépend largement des pratiques humaines. 

Redéfinir notre rapport à la forêt, c’est investir dans des puits de carbone durables et équitables, en misant sur la cohérence, la responsabilité et l’intelligence collective. 

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Sources : 

SNAP Québec – Le réel bilan carbone du secteur forestier québécois

Vérificateur général du Québec – État des forêts et gestion climatique (2025)

Service canadien des forêts – Science Policy Note (2024)

 

 

 

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