Le fleuve Saint-Laurent, artère vitale du Québec et du Canada, est à la croisée des chemins. À l’heure où l’impact climatique se fait de plus en plus sentir sur le fleuve St-Laurent de manière tangible, cet écosystème riche et fragile montre des signes alarmants de détérioration. Le mémoire récemment publié par le Réseau national des conseils régionaux de l’environnement du Québec (RNCREQ) sonne l’alarme : sans intervention rapide, les impacts écologiques, économiques et sociaux pourraient être considérables.
Des eaux de plus en plus chaudes : l’impact climatique sur le Fleuve St-Laurent
Depuis quelques années, les scientifiques observent un réchauffement record des eaux profondes du Saint-Laurent. En 2022, la température à 300 mètres de profondeur dans l’estuaire a dépassé les 7 °C, une première. Ce réchauffement n’est pas anodin : il modifie la circulation océanique locale en renforçant l’apport d’eaux plus chaudes et moins oxygénées en provenance du Gulf Stream, au détriment des eaux froides et riches en oxygène du courant du Labrador.
Ces changements influencent l’ensemble de la chaîne alimentaire marine. Certaines espèces voient leur habitat se restreindre ou deviennent plus vulnérables à la maladie. En d’autres mots, la température croissante du fleuve Saint-Laurent fragilise tout son écosystème.
L’hypoxie : un fleuve à bout de souffle
Le manque d’oxygène dissous dans les eaux profondes du fleuve, appelé hypoxie, est un autre indicateur de la détérioration environnementale. Selon les données compilées dans le mémoire du RNCREQ, la saturation en oxygène dans les eaux profondes est tombée sous la barre des 15 % depuis 2020, alors qu’elle avoisinait les 40 % dans les années 1930.
Ce déficit en oxygène est accentué par l’eutrophisation : les nutriments en excès, issus principalement de l’agriculture et des eaux usées, favorisent la prolifération d’algues. Lorsque celles-ci meurent, leur décomposition consomme de grandes quantités d’oxygène, aggravant l’hypoxie. Résultat : la faune aquatique peine à survivre, menaçant la biodiversité du fleuve.
La biodiversité sous pression
Le Saint-Laurent est le foyer de nombreuses espèces emblématiques, dont le béluga du Saint-Laurent, espèce en voie de disparition. Le réchauffement de l’eau, combiné à la pollution sonore et chimique, rend leur survie encore plus précaire. D’autres espèces de poissons et d’invertébrés migrent vers des eaux plus froides ou voient leur cycle de reproduction perturbé.
La disparition progressive de certaines espèces pourrait déséquilibrer tout l’écosystème marin et avoir des répercussions économiques importantes pour les pêcheries locales.
Les milieux humides en recul
Le mémoire du RNCREQ met également en lumière la dégradation rapide des milieux humides le long du fleuve, notamment au lac Saint-Pierre. Ces zones sont essentielles : elles filtrent les polluants, protègent contre les inondations, hébergent une faune abondante et agissent comme puits de carbone.
Pourtant, ces milieux sont de plus en plus grignotés par l’agriculture intensive, le développement urbain et l’absence de bandes riveraines végétalisées. Le manque de protection législative efficace rend ces habitats vulnérables à une disparition silencieuse.
L’intrusion saline : une menace pour l’eau potable
Le réchauffement climatique modifie non seulement les températures, mais aussi les débits du fleuve. Une diminution du débit combinée à une montée du niveau marin risque de faire remonter le front salin vers des villes comme Québec et Lévis. Cette intrusion d’eau salée dans les zones d’eau douce pourrait compromettre l’approvisionnement en eau potable de centaines de milliers de personnes.
Le mémoire du RNCREQ appelle à des études rigoureuses et à des investissements en infrastructures pour se prémunir contre cette menace.
Agir maintenant : recommandations du RNCREQ
Face à ces constats préoccupants, le RNCREQ propose plusieurs pistes d’action :
- Renforcer la recherche scientifique indépendante sur l’état du fleuve.
- Mieux arrimer les politiques publiques liées à l’environnement, à l’urbanisme et au transport maritime.
- Impliquer activement les Premières Nations dans les processus décisionnels.
- Protéger et restaurer les milieux humides, en créant des zones tampons efficaces et en favorisant des pratiques agricoles durables.
- Réduire les émissions de gaz à effet de serre à la source pour ralentir le réchauffement planétaire.
Un fleuve à préserver pour les générations futures
Le fleuve Saint-Laurent n’est pas seulement une voie de navigation ou une source d’eau : c’est un symbole identitaire, un pilier de la biodiversité et un élément-clé de la résilience climatique du Québec. Sa dégradation, accélérée par les changements climatiques, nous interpelle collectivement.
Pour nous, qui militons pour une transition écologique fondée sur la rigueur scientifique, cet enjeu doit se traduire en actions concrètes de sensibilisation, d’adaptation et de réduction des émissions. Le Saint-Laurent mérite plus qu’un regard inquiet : il mérite un engagement sincère.
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Source : Commentaires du RNCREQ sur le mandat provisoire d’évaluation régionale environnementale et sociale du Saint-Laurent, mars 2025. Ce mémoire a été produit par le Réseau national des conseils régionaux de l’environnement du Québec (RNCREQ) dans le cadre des consultations entourant l’évaluation environnementale stratégique du fleuve Saint-Laurent.
Réseau national des conseils régionaux de l’environnement du Québec (RNCREQ).


